Dans mon courrier du trimestre figurait une invitation à visiter un campus universitaire où une partie des logements est constituée de conteneurs. L’on m’y informe d’un débat en cours : pour faciliter les déplacements intra-campus, certains - des garçons surtout - refusent que soient mises en place des navettes par bus, préférant se faire prendre et déposer d’un point à un autre par une immense grue (comme celle qui servit au parachèvement de la Tour Eiffel, et dont Plonk & Replonk a publié la photo). Manière d’aller jusqu’au bout d’une certaine logique, il est vrai.

    

Check-points israéliens en Palestine

 

     [L’information donnée ci-dessus, concernant l’action revendicative au sein d’un habitat à base de conteneurs, était une blague. Ne fût-ce que parce que mon informateur avait daté sa lettre du 1er avril, j’eus dû m’en apercevoir...]

     Je me souviens avoir eu le contact, il y a une petite dizaine d’années, avec un groupe qui organisait dans une ville de taille moyenne une simulation de « check point » israélien en Palestine.

     J’étais là en deux circonstances : durant les trois heures de représentation dans les rues, puis lors de la séance de bilan qui d’ailleurs dura, elle aussi, trois heures.

     Nous sommes un samedi après-midi de janvier et les rues piétonnes de la ville sont bien fréquentées. Le chaland se trouve, de manière inattendue, nez à nez avec quelque chose qu’il ne comprend pas de prime abord : une scène - qui pourrait bien être de tournage de film - de brutalités commises par des hommes et femmes en costumes militaires sur des individus dont certains portent la X. largement popularisée par Arafat. Pour un tournage de film, un autre lieu eût certainement pu être choisi que cette rue colonisée par des magasins aux enseignes communes à tous les centres villes français ! Ou alors, du théâtre de rue ?

     L’une des séquences - il y en eut trois, répétées en divers lieux de la ville - met en scène un chauffeur de taxi palestinien, s’emportant parce que les militaires israéliens, qui l’ont pourtant laissé passer ce matin, ne l’y autorisent pas cet après-midi, alors qu’il conduit cette fois à l’hôpital un femme sur le point d’accoucher. ça dure quelques minutes et se solde par le demi-tour du taxi (le rôle est tenu, apprendrai-je, par un authentique chauffeur de taxi), et donc de la parturiente.

     Dans les deux autres cas mis en scène, les brutalités sont plus physiques, régulièrement commises avec un évident complexe de supériorité de la part des militaires, dont une femme.

     Le déroulement de chacune des séquences est dirigé par un ‘metteur en scène’ différent. Il donne des indications de jeu, fait reprendre la scène, etc. Nous découvrons ainsi que nous assistons, en fait, à la répétition en public de trois scènes.

     J’apprends que l’action a été décidée trois semaines auparavant et que seulement deux répétitions en salle ont déjà eu lieu pour l’ensemble des vingt deux ‘acteurs’, dont peu étaient familiers du théâtre, et que les militants généralement à l’origine de manifestations de soutien au peuple palestinien avaient marqué leur doute sur les chances de réussite d’une telle action.

     S’agissait-il de répétitions en vue de représentations en salle ? Nenni. L’objectif consistait purement et simplement en ces répétitions en public, dans la rue. Sans autorisation, ni même déclaration.

     Lors de l’évaluation, trois semaines plus tard, j’apprendrai que mille deux cents feuillets d’information ont été spontanément demandées par les passants. étonnement des militants habitués à devoir insister pour que leurs tracts soient acceptés. Un vieux militant (80 ans) déclare à cette occasion : « Si j’avais su plus tôt qu’on peut militer de pareilles manières, je me serais moins fait ch.... pendant tout ce temps ! ». Le tour de table des vingt deux participants s’effectue en prenant le temps nécessaire pour que chacun s’exprime à sa manière, et avec toutes les nuances qu’il souhaite. Tout le monde écoute très attentivement, et même chaleureusement pourrait-on dire. C’est sûr, il s’est passé « quelque chose » pour ces gens-là. Il apparaît que certains n’avaient jusqu’alors aucune idée de ces check-points en Palestine. Les scénarios ont été établis à partir de la correspondance reçue par l’un des membres de la ‘troupe’ d’une française vivant sur place. Un film a aussi servi à l’information des participants, qui l’ont regardé ensemble au cours de l’une des deux répétitions. Beaucoup disent qu’ils sont entrés dans l’aventure sans très bien savoir pourquoi, attirés par ce quelque chose qui s’en dégageait. A-t-on le sentiment d’avoir contribué à l’amélioration de la situation en Palestine ? L’un des participants répond :  « Pour moi, ce n’est pas le problème ; ça m’autorise juste à me regarder le matin dans la glace sans trop de culpabilité. » Quant au noyau des organisateurs, il apparaît qu’ils a consacré l’équivalent d’un temps plein de deux mois à la préparation, à la réalisation et à l’évaluation de l’action .

L'oncle h. observe ou invente, quand il ne fait pas les deux à la fois...
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